Les interviews des salarié-es, confiné-es ou non #4

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Aujourd’hui, lundi 30 mars, 14ème jour de confinement, une salariée du planning familial en Seine-Saint-Denis répond à nos questions sur ses conditions de travail, et sur les conséquences de la crise sanitaire pour les femmes usagères du planning.

Quelle est la situation en ce moment au Planning Familial ?

Malgré une équipe réduite (suspicion de Coronavirus ou garde d’enfants), nous avons décidé de garder le planning partiellement ouvert.
Nous continuons d’assurer les IVG médicamenteuses et par aspiration et les consultations urgentes
(problèmes gynécologiques ou contraception) en privilégiant au maximum les consultations à distance.
Nous envoyons les ordonnances par mail quand c’est possible. Nous ne recevons que les personnes qui ont rendez-vous. Nous assurons aussi permanences téléphoniques (du mardi après midi au jeudi soir) et mails (du lundi au vendredi).

Quel est l’état d’esprit des travailleuses du Planning à l’heure actuelle ?

Nous sommes conscientes que le confinement risque d’accentuer les violences conjugales et intra-familiales.
On est toutes motivées pour ne pas stopper l’activité malgré le manque de matériel : nous n’avons pu nous procurer des masques qu’à la fin de la première semaine du confinement.
Nous nous réunissons via conférence téléphonique au moins une fois par semaine pour faire le point.

En plus de l’exposition au virus, quelles autres difficultés liées à la crise sanitaire rencontrez-vous?

Nous sommes très sollicitées car seules 22 centres de Protection Maternelle et Infantile restent ouverts dans le département (au lieu de 114 habituellement), une par circonscription.
Notre autre gros souci, ce sont les femmes qui ont besoin d’un avortement, qui ont dépassé le
délai légal fixé en France à 12 semaines de grossesse, et qui doivent donc se rendre aux Pays-Bas. Celles qui ne peuvent y aller en voiture n’ont quasi plus de solution car il y a moins de trains, qui sont par ailleurs très chers pour des personnes qui souvent n’ont pas les moyens et il n’y a quasiment plus de bus.

Vous nous aviez déjà fait part de difficultés dans votre secteur avant la crise du Covid-19, pouvez-vous nous les résumer ? 

Concernant les IVG, il y a globalement une offre satisfaisante sur le département même si nous savons que les femmes galèrent parfois pour réussir à joindre une personne physique au téléphone (beaucoup de standards sont des disques qui ne permettent pas toujours de tomber dans le bon service). En revanche nous devons faire face à de gros manques de moyens concernant les femmes victimes de violences (notamment en terme d’hébergement d’urgence et de logement). Les structures et associations sont débordées. Il en va de même pour les mineur.e.s devant être pris en charge par l’ASE : les suivis ne sont pas tous assurés faute de personnels et c’est encore pire pour les mineur.e.s isolé.e.s. Nous avons également des difficultés à répondre à toutes les demandes d’interventions scolaires (qui émanent majoritairement d’établissements du secondaire). 

Quelles mesures immédiates permettraient d’améliorer la situation des travailleuses et des usager-e-s ?
Durant la durée du confinement, et après, il est urgent que les délais pour avorter légalement en France soient allongés. Un avortement à l’étranger coûte au minimum 800 € (auxquels il faut ajouter les frais de transports). Beaucoup de femmes sont contraintes de garder leur grossesse, par manque de moyens financiers. La période de confinement a encore aggravé la situation. Le gouvernement a sans état d’âme dérogé au Code du Travail, mais a refusé de déroger au Code de la Santé en refusant un amendement qui proposait d’allonger les délais d’autant de semaines que durerait le confinement. Par ailleurs, nous demandons un allègement des procédures pour les mineures avec notamment la suppression du délai de réflexion de 48 h. Des mineures, confinées avec leur(s) parent(s), nous appellent pour savoir comment faire pour sortir de chez elles pour acheter un simple test de grossesse sans éveiller les soupçons. Une mineure enceinte désirant avorter se verra contrainte de rencontrer plusieurs professionnels, à des moments différents, avant l’intervention. La période de confinement aggrave leur situation. Pour ce qui est des professionnel.les, il nous faut du matériel adapté à la protection contre le virus, et en nombre suffisant afin que nous puissions continuer d’exercer en nous protégeant et en protégeant nos patientes et nos entourages. Cette crise sanitaire montre à quel point les missions du planning familial sont indispensables pour la liberté des femmes à disposer de leur corps. Cela doit se concrétiser par une reconnaissance du statut de Conseillère conjugale et familiale et par des subventions suffisantes permettant aux salariées d’être rémunérées à la hauteur de leur utilité sociale. 


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