Interviews des salarié-es, confiné-es ou non #5

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Aujourd’hui, lundi 6 avril, 21ème jour de confinement, une chômeuse de Seine-Saint-Denis répond à nos questions sur les conséquences de confinement pour elle, et sur ses relations avec pôle emploi.

Quelle a été la politique de Pôle emploi au moment de l’annonce du confinement ?

On a reçu un message le 17 mars, avant 12h, donc juste avant le début du confinement, disant que l’offre de pôle emploi était adaptée et que les conseillers restaient disponibles au 3949 et sur le site internet.  En gros le message envoyé était « rien ne se passe, on continue comme avant ». Sur le site, c’était un peu la même chose, l’une des rares choses qui avaient bougé c’était le fait que des rubriques sur le chômage partiel étaient apparues, mais elles ne concernent pas les chômeurs et chômeuses déjà inscrit·es. Il faut bien comprendre que pour la majorité des chômeurs et chômeuses, c’est mon cas, l’essentiel des liens avec pôle emploi se fait par interface numérique. On ne voit jamais personne et parfois il faut envoyer 5 mails pour avoir une réponse à quelque chose.

Du coup, il n’y a aucune mesure spécifique pour les chômeurs  et chômeuses ?

Non. Nous ne sommes pas intégré·es au système d’arrêt de travail alors que pourtant le reste du temps, il est tout à fait possible de se déclarer en arrêt maladie, en congés de maternité, etc. quand on est au chômage. Ça signifie très concrètement que les chômeurs et chômeuses qui ont des enfants sont supposé·es continuer à chercher du travail tout en gardant leurs enfants. Sans compter qu’on s’est rendu que les salarié·es qui avaient un enfant avec un chômeur ou chômeuse ne pouvait pas non plus bénéficier de l’arrêt de travail car le chômeur est considéré·e comme gardant l’enfant… On marche vraiment sur la tête.

L’une des rares mesurettes qui a été prise, c’est le fait de rallonger l’Allocation de solidarité spécifique, qui est une somme qui vient prendre le relais des droits au chômage sans faire basculer dans le RSA.

Depuis il a été aussi précisé qu’il n’y aurait pas de contrôle. Les contrôles c’est le fait que Pôle emploi vérifie que le chômeur ou chômeuse cherche bien un emploi. C’est une semi-autorisation à ne pas en chercher. En même temps, sur le site, il est clairement stipulé qu’il ne faut pas stopper les démarches, que des offres existent toujours. Et d’ailleurs, à la radio, certaines réclames pour l’APEC ou Pole emploi continuent à passer.

Que penser du report de la réforme prévue au 1er avril au 1er septembre ?

C’est de l’enfumage. La réforme ne doit pas être reportée mais supprimée. Par ailleurs, il est possible qu’elle ne soit reportée que parce que Pôle emploi ne pouvait pas à la fois gérer les nouvelles indemnisations et le chômage partiel massif qui se met en place.

Cette réforme est, techniquement, un appauvrissement massif de la population et, idéologiquement, elle vient renforcer l’idée que les chômeurs et chômeuses seraient responsables de leur situation. En gros, il faut travailler plus pour être indemnisé·e, et, l’indemnisation est moins avantageuse puisqu’elle est calculée sur tous les jours et non pas sur le nombre de jour travaillé. Elle pousse les petits salaires à prendre plus de taf mal payés, mal encadrés, aux mauvaises conditions de travail ou ne correspondant pas à nos compétences…

Quel type de mesures faudrait-il selon toi ?

Déjà, il faut suspendre cette période pour les chômeurs et chômeuses, elle ne doit pas être décomptée de leur temps de chômage. Là on nous demande de nous actualiser, c’est-à-dire de dire à Pôle emploi qu’on continue à chercher du travail, cette actualisation a lieu tous les mois. Elle devrait suspendue jusqu’à la fin du confinement, quitte à ce que Pôle emploi actualise plus tard ses données pour celles et ceux qui ont travaillé.

En Seine-Saint-Denis, c’est d’autant plus tendu que nombre de personnes se rendent en agence pour s’actualiser car elles n’ont pas internet ou elles ne peuvent pas scanner les papiers qu’il faut fournir. Comment vont faire ces personnes si les agences sont fermées ? Quand j’ai fait mon rendez-vous  collectif « découverte de pôle emploi », on m’a dit que chaque conseiller·e avait plusieurs centaines de personnes à gérer et donc qu’il ne faudrait pas compter sur leur aide. Ça veut dire, que dans cette période, les gens vont être laissé à eux-même spour s’en sortir.

L’angoisse est déjà très forte pour les gens au chômage, il est question quotidiennement d’une crise économique, de l’explosion du nombre de chômeurs et chômeuses, l’Etat ne devrait pas ajouter de la pression, mais au contraire soutenir les chômeurs et les chômeuses.

Il y a une phrase sur le site de Pôle emploi qui est particulièrement dégueulasse, en gros, ça dit qu’avec la crise du COVID 19, des nouveaux emplois sont disponibles. Donc quoi, c’est aux chômeurs et chômeuses de s’exposer ? On est vraiment dans une logique de variable d’ajustement, on utilise la peur des chômeurs et chômeuses de ne jamais retrouver d’emplois pour les exposer à des risques graves.


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