Nous publions ci-dessous un texte de la sociologue Maud Simonet sur le recours au travail bénévole pendant les jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Le collectif Saccage 2024 a mis en place des permanences d’appui juridique dont vous trouverez les modalités ici.
Depuis l’été 2023 la campagne de recrutement des 45 000 bénévoles pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris suscite de vives réactions des organisations écologistes, syndicalistes et politiques. Alors que cette édition de l’événement Olympique était censée être la première à mettre le travail au cœur des Jeux, du fait notamment de la signature d’une charte sociale par les grandes centrales syndicales, les modalités de recours au bénévolat lors des JOP interrogent : de quel traitement du travail parle-t-on exactement?
Car la nouveauté des JOP de Paris 2024 c’est justement d’avoir produit une charte du volontariat qui vient cadrer et normaliser le recours à ce travail bénévole…bien en deçà du droit du travail français.
La doctrine juridique fait notamment du lien de subordination un élément central de la qualification juridique d’une relation d’emploi et donc d’un contrat de travail. Or, en ouvrant la charte du volontariat publiée par le Comité des jeux olympiques on ne peut que remarquer les multiples indices de subordination qui parsèment le texte, depuis la définition des obligations du « volontaire » jusqu’aux multiples fiches de postes décrivant leurs « missions ». On apprend ainsi que certains bénévoles travailleront à enregistrer les performances des sportifs « sous la supervision des équipes d’Oméga », entreprise Suisse du secteur du luxe, chronométreur officiel des Jeux olympiques. Ou encore que des bénévoles qui ne respecteraient pas l’un des principes de la charte pourraient se voir retirer leur accréditation. Directives, contrôle et sanctions, autant d’éléments au cœur de la définition de la relation de subordination, apparaissent ainsi explicitement dans la présentation du travail attendu des bénévoles. Mieux, ces éléments, pour le moins paradoxaux au regard de la jurisprudence, sont à nouveau réitérés dans le « Guide pratique à l’usage des organisateurs de grands évènements sportifs » publié en décembre 2022 par la Direction générale du travail du ministère du Travail.
Ce coup de force aux frontières de la définition juridique du travail, porté par le Cojo et en quelque sorte entériné par le Ministère, s’inscrit dans un mouvement plus profond de normalisation et d’institutionnalisation du travail gratuit1 : du déploiement des services civiques dans les services publics à la « contrepartie » en travail désormais exigibles aux allocataires du RSA, en passant par les multiples dispositifs qui incitent à valoriser l’engagement citoyen sur le marché du travail- dispositifs auxquels les JO et leurs « certificats de volontariat » ne dérogent pas.
1 Maud Simonet, L’imposture du travail-Désandrocenter le travail pour l’émanciper, 10/18, 2024, pp 53-60.