Monsieur le Préfet,
Le 17 novembre, a débuté l’examen à l’assemblée nationale de la proposition de loi relative à « la sécurité globale», dans le cadre d’une procédure accélérée.
Ce texte contient de nombreuses atteintes au droit au respect de la vie privée, à la liberté d’informer, au principe d’égalité et à des principes constitutionnels de l’égalité des peines et délits comme l’a dénoncé la défenseure des droits. Les rapporteurs spéciaux de l’ONU, la commission européenne, la CNCDH, toutes les associations de droits humains et l’intégralité de la profession journalistique contestent ce projet et le caractérisent de liberticide et d’attentatoire aux libertés et droits fondamentaux.
Pour les organisations syndicales de la Seine-Saint-Denis, il s’agit notamment là d’un cran supplémentaire gravi par le gouvernement dans la remise en cause de la liberté de manifester.
L’utilisation de caméras et de drones permettant la reconnaissance faciale des militant-e-s lors de manifestations constitue un outil supplémentaire de surveillance généralisée.
Nous ne sommes pas dupes, ces dispositifs n’ont pas vocation à̀ protéger la population ou à contribuer à la pacification des manifestations mais à intensifier les pratiques de nassage puis faciliter le contrôle et la répression des militant-e-s.
La liberté de la presse est également dans le viseur avec la création d’un nouveau délit qui empêche la diffusion d’images d’agents de police ou de gendarmerie. Or, le caractère public des « forces de sécurité » et le nécessaire contrôle démocratique de celles-ci ne sont pas compatibles avec cette grave atteinte à la liberté d’informer.
Par ailleurs, les entreprises de sécurité privée se voient habilitées à̀ exercer des missions de service public. Les polices municipales se voient dotées de prérogatives importantes qui relèvent pourtant des missions de l’État et ce, à titre expérimental pour une durée de 3 ans. La liste des infractions qu’elles pourront constater est élargie (usage de stupéfiants, conduite sans permis, vente à la sauvette, dégradations, etc.), elles pourront participer à la sécurisation des manifestations culturelles, sportives et récréatives.
Cet ensemble de dispositions concourt à un processus de privatisation à peine déguisée qui remet en cause les principes d’égalité. Le tout sécuritaire, le confinement de nos libertés fondamentales, ne peuvent être des réponses à la crise que traverse notre société. Les solutions sont à trouver par une autre répartition des richesses, par une politique marquée du sceau de la justice et du progrès social, par la défense de nos libertés qui sont nos premières protections !
Pour nos organisations syndicales, la « sécurité », fonction régalienne importante, doit être assuré par l’Etat. C’est l’Etat qui peut mettre en place cette mission au service de toute la population avec un service public homogène sur tout le territoire ; dotée de moyens humains et matériels ; contrôlée par la population de façon démocratique.
Les organisations syndicales de la Seine-Saint-Denis sont résolues à ne pas laisser faire cette atteinte à nos libertés et à nos droits. Il s’agit bien de lutter contre l’installation d’un État autoritaire où l’État de droit devient un État de police, criminalisant les mobilisations du monde du travail et de la société. Les grandes manifestations qui ont animé le pays témoignent d’une vitalité démocratique remarquable. Ce mouvement social n’abdiquera pas ! L’article 24 que le
gouvernement a demandé à sa majorité de réécrire, ne résume pas les dangers de ce texte. Nous
continuerons à nous lever contre ces lois liberticides qui abîment la République dont la promesse
d’égalité des droits est indissociable de son exigence démocratique et sociale, inscrite dans notre
Constitution.
Par ailleurs, les organisations syndicales de Seine-Saint-Denis tiennent à condamner sans réserve la stratégie délibérée mise en place le samedi 5 décembre dernier par la Préfecture de Paris qui a abouti à des violences commises à l’encontre des manifestant.es, dont des militant.es de nos organisations respectives faisant partie de l’organisation du cortège. Des forces de police s’en sont même pris directement à des militant.es chargé.es de l’encadrement de la manifestation.
Nous ne doutons pas un instant qu’il s’agit d’une stratégie de la part du pouvoir politique qui a donné ordre au préfet de police de Paris d’empêcher la manifestation de se tenir pacifiquement, après avoir essayé de l’interdire par arrêté, arrêté cassé par une décision de justice.
Les organisations syndicales de la Seine-Saint-Denis exigent que la loi sur « la sécurité globale » soit retirée.
Dans l’attente, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Préfet, l’assurance de toute notre considération.