Aujourd’hui, 20 avril, 35ème jour de confinement, Mathieu, cheminot et militant de SUD Rail, répond à nos questions sur la situation dans le secteur ferroviaire.
Quelle est la situation en ce moment sur dans votre secteur/pour votre métier ?
Dans le transport ferroviaire, il y a eu une première phase à partir du 16 mars où l’activité syndicale a consisté à faire fermer un maximum de services pour limiter réellement la présence au travail aux seul-es travailleurs et travailleuses nécessaires au service essentiel.
Mais ces deux dernières semaines la volonté, affichée par la SNCF notamment, est de remettre en route un maximum d’activité, et pas seulement pour préparer une reprise importante du trafic à partir du 11 mai !
Alors que la SNCF communiquait largement sur son rôle au service de la santé publique (limitation du nombre de trains de voyageurs, mise en place de trains sanitaires pour convoyer les malades…), certaines activités moins visibles du public, et pourtant loin d’être « essentielles » n’ont jamais été stoppées. 60% des trains de marchandise, dont une majorité ne sont pas essentielles, continuent de circuler par exemple et de nombreux chantiers sur les voies ont été maintenus ou s’apprêtent à reprendre. La prolongation du RER E ou, pire encore, la création de la liaison ferroviaire privée CDG Express (prévue pour faire Paris-Roissy dans la perspective des JO) justifieraient de faire prendre des risques sanitaires à des centaines de salarié-es !
Quel est l’état d’esprit des travailleurs et des travailleuses de votre secteur à l’heure actuelle ?
Les collègues vivent des situations de travail très différentes selon qu’ils et elles sont en télétravail, confiné·e chez eux/elles ou au boulot depuis un mois dans des conditions très dégradées.
Pour construire nos revendications et mobiliser les collègues malgré l’isolement, nous avons pas mal communiqué par les réseaux sociaux ou par mail, des initiatives du type pétition ont aussi été mises en œuvre.
Pour prendre l’avis d’un maximum de travailleurs et travailleuses et fixer nos priorités, nous lançons une enquête militante en ligne pour lutter contre l’isolement d’un grand nombre de collègues et leur donner la parole pour déterminer leurs revendications et préparer nos futures mobilisations.
Quelles difficultés liées à la crise sanitaire rencontrez-vous ?
Sur l’aspect sanitaire on est toujours confronté·es à d’énormes problèmes pour protéger la santé des salarié-es, et en particulier celles et ceux de la sous-traitance qui sont souvent laissés avec le minimum de protection.
D’ailleurs les décès dont on a eu connaissance autour de nous parlent d’eux-mêmes : un agent de sécurité au Landy, un collègue du nettoyage à Bondy et un agent de sécurité de gare de l’Est sont décédés du COVID ces dernières semaines.
On vient même de découvrir que certains n’ont plus accès à leurs vestiaires dans certaines gares fermées depuis plusieurs semaines.
Obtenir le nettoyage et la désinfection des locaux et des postes de travail reste une priorité mais les collègues sont aussi très en colère au sujet des repos qui leurs ont été imposés au mois d’avril (5 jours pour l’instant mais la direction pourrait y revenir), y compris pour celles et ceux qui ont travaillé sans interruption jusque-là.
Quand on ajoute à cela la mise au chômage partiel qui suscite beaucoup d’inquiétudes et d’interrogations de la part des collègues, on a évidemment confirmation que nos patrons veulent faire payer cette crise sanitaire aux salarié-es.
Finalement, d’après toi, qu’est-ce que cette crise révèle sur la situation du rail aujourd’hui ?
Après deux mois de grève pour lutter contre les retraites par point, et après la transformation de la SNCF en 5 sociétés anonymes, le gouvernement redécouvre les vertus d’une entreprise « de service public » et de cheminot-es qui continuent à faire fonctionner des services vitaux.
Nous ne sommes pas dupes, il aura vite fait de l’oublier une fois la crise sanitaire passée